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6 semaines sur le Larsen C

ANTARCTIQUE

Octobre 2015.

D'un pôle à l'autre.

Je me prépare pour la semaine la plus folle de ma vie. Dans quelques jours, je quitterai Svalbard, l'endroit où j'habite depuis 4 ans déjà, pour voyager de l'autre côté de la planète. Mais d'abord, il y a une dernière mission importante dont je dois m'occuper, et pas la plus simple: ma soutenance de doctorat. Quatre années de travail intense comprimées en une journée de présentations devant un jury international. Heureusement, ma famille a fait le voyage jusqu'au Svalbard, m'apportant tout le soutien dont j'ai besoin.

"Pas trop stressé pour ton grand jour?", je lance à mon superviseur le Prof. Doug Benn. La journée a passé si vite, j'ai à peine cligné des yeux que c'était déjà fini. Je n'ai jamais pensé qu'une soutenance de doctorat pouvait être aussi fun. Nous avons terminé la journée avec un énorme dîner entre amis et en famille avant de rentrer chez nous sous un ciel d'aurores boréales. Le succès a été doux-amer, dans quelques jours je quitterai l'endroit que j'aime le plus, avec ça mon travail, mes amis et mes glaciers, sans savoir quand et si je reviendrai.

Si je quitte le Svalbard aussi vite, c'est parce qu'une autre aventure m'attend. Quelque chose dont j'ai rêvé toute ma vie, le voyage ultime qu'une glaciologue peut faire. Je vais en ANTARCTIQUE!

Il y a quelques mois, on m'a demandé de rejoindre une équipe de glaciologues des universités galloises d'Aberystwyth et de Swansea. Ils planifiaient leur deuxième et dernière campagne sur le terrain de leur projet sur la barrière de glace Larsen C, 6 semaines de travail et de camping dans la péninsule Antarctique. Le voyage de toute une vie.

Svalbard - Tromso, Tromso - Oslo, Oslo-Londres, Londres-Santiago, Santiago-Puerto Montt, Puerto Montt-Punta Arenas. 3 jours, 7 vols et 17 500 kilomètres plus tard, nous étions à un saut de puce du continent blanc. Ce dernier vol est très spécial, à bord d'un Dash 7 opéré par la British Antarctic Survey. Après une courte nuit à Punta, on nous annonce que la météo est suffisamment bonne pour partir, l'Antarctique nous appelle!

Le vol a duré 5H, rien à voir avec que ce que les premiers explorateurs ont dû endurer! Nous étions le premier groupe de scientifiques et de personnel de station à atteindre Rothera après l'hiver. Dire que le vol était spectaculaire serait un euphémisme. L'océan est devenu de la glace de mer, la glace de mer est devenue terre, la terre s'est elevée en montagnes. Nous étions littéralement collés aux fenêtres de l'avion pendant tout le vol. J'ai dû me pincer tant de fois. Ce n'était pas un rêve, je survolais bien la péninsule Antarctique! "Attachez vos ceintures, nous sommes sur le point d'atterrir". Ça y est, notre nouvelle maison pour une semaine, nous arrivons à Rothera.

ROTHERA, MAISON LOIN DE LA MAISON

Rothera est la station principale de la British Antarctic Survey, située au-dessous du cercle polaire antarctique sur l'île d'Adélaïde. En hiver, on y trouve 22 hivernants et jusqu'à 100 personnes en été. Nous auvons besoin de temps pour préparer notre équipement pour le terrain et nous entraîner pour notre grande aventure avec nos deux guides, Al et Bradley.

C'était super d'avoir une semaine complète de préparation à Rothera. Nous avons tout le temps de nous acclimater aux conditions polaires, car nous sommes à peu près la même latitude que Larsen C. A Rothera nous sommes chouchoutés, jamais à plus de 2H d'une collation ou d'un repas délicieux, juste ce dont nous avions besoin pour grossir un peu avant le terrain.

Après avoir passé quelques années à travailler au Svalbard, j'ai vraiment apprécié d'apprendre comment le travail sur le terrain est organisé en Antarctique. À bien des égards, tout est très old school. Là où dans l'Arctique, nous avons toujours essayé d'avoir les derniers traîneaux, outils, en Antarctique, tout semble dater d'une autre époque. Et la raison en est que c'est quelque chose qui se brise sur le terrain en Antarctique, vous ne pouvez appeler personne pour venir vous aider, vous devez être capable de le réparer vous-même.

Nous avons emballé nos P bags (matelas pour dormir), testé les poêles, installé l'antenne radio et fait de nombreux exercices de sauvetage en crevasse. Nos deux assistants de terrain sont des alpinistes incroyables et polyvalents, soucieux de nous apprendre comment ne pas bruler notre tente. Nous avons également le temps de "faire le tour du point", la principale randonnée facile qui peut se faire autour de la gare. Il y a encore beaucoup de glace de mer autour de la base, une faune amicale et d'énormes icebergs attendant que le dégel arrive pour s'échapper.

LE TEMPS EST VENU

Enfin, nous obtenons le feu vert pour partir sur la barrière du Larsen C. Après tant de mois de planification, l'excitation atteint son maximum. Logistiquement, ce jour de départ est un défi. Nous devons amener toute l'équipe en même temps, avec tout l'équipement scientifique. Dès que l'opération commence, il est assez difficile de l'arrêter. 

Je suis la troisième personne de mon équipe à être emmenée sur le terrain et, à ma grande surprise, j'ai pour moi un twin otter tout entier, piloté par la talentueuse Vicky. Je ne savais pas à l'époque que lorsque vous êtes copilote avec BAS (poste auquel j'ai été promue soudainement), le pilote pourrait vous demander de piloter l'avion pendant quelques minutes pendant qu'il ou elle doit remplir des documents. J'ai ainsi pu traverser les montagnes trans-antarctiques en pilotant mon avion pour la toute première fois! Permettez-moi de vous dire que je n'ai pas respiré pendant 40 minutes.

Et enfin nous y voilà! Glace s'étendant à perte de vue, plate, blanche, énorme, le plateau de glace Larsen C dans la chair! Sur l'étendue d'une blancheur aveuglante, nous pouvions voir un tout petit point noir: notre premier camp.