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33 jours loin du monde

ANTARCTIQUE

Janvier 2020

Ushuaia, Tierra Del Fuego

Il y a peu de villes sur Terre dont le nom résonne immédiatement avec aventure, éloignement et nature sauvage. Ushuaia est certainement une de ces villes. Pour moi, Ushuaia a été le lieu d'arrêts frénétiques entre deux croisières, trop courts pour explorer la ville au-delà de l'avenue St Martin. Je connais tous les bons cafés Internet, les meilleurs supermarchés pour éviter la foule, mais rien au-delà. Cette année, j'ai décidé de prendre le temps d'explorer la "vraie" ville d'Ushuaia. J'ai loué un AirBnB pendant 8 jours avant de me lancer dans la croisière polaire la plus folle que l'on puisse faire: une semi-circumnavigation de l'Antarctique, d'Ushuaia à la Nouvelle-Zélande, via l'incroyable Mer de Ross.

En Janvier, Ushuaia est au top de sa haute saison touristique. On est au milieu de l'été, mais ne vous attendez pas à une météo méditerranéenne, c'est le "fin del mundo" après tout. En huit jours d'exploration de la ville et de ses environs, j'ai eu tous les types de temps que vous pouvez espérer, de la grêle, de la pluie, de la neige et au soleil, et trouver des moments sans le vent infâme de la Patagonie s'est avéré difficile.

 

La ville, dont le nom signifie "à l'arrière de la baie / crique", s'étale du sud-ouest entre le canal de Beagle et la chaîne de montagnes Martial au nord. Il ne faut pas très longtemps pour se retrouver perdu dans la forêt de Nothofagus ou au sommet d'une montagne balayée par le vent. Après 8 jours de randonnée, de préparations de mes conférences et des retrouvailles avec mes amis qui ont la chance de vivre à Ushuaia, l'Antarctique m'appelait.

EMBARQUEMENT SUR LE MV ORTELIUS

Le 13 janvier, j'ai enfin pu embarquer sur le MV Ortelius, ma maison pour les 33 prochains jours. Les jours d'embarquement sont toujours  mouvementés. Après une rencontre rapide avec mes nouveaux collègues, on nous donne 2H pour acheter nos dernières provisions et revenir saluer nos passagers. 2H se sont vite transformées en 5 minutes, car des camions chargés de la nourriture pour notre voyage arrivaient. Ces tonnes de fruits, oeufs, pates, viandes devaient être chargés manuellement sur le navire. Bon entraînement en équipe et meilleur moyen de faire connaissance avec nos collègues de la cuisine, de l'hôtel et de la navigation.

MV Ortelius a un an de moins que moi. Il a été construit en 1989 en Pologne exclusivement pour la croisière d'expédition polaire. Avec une coque renforcée pour la banquise, le navire se rend à la fois dans l'Arctique et en Antarctique. Il a été acquis par Oceanwide en 2011 et navigue dans le monde depuis. Beaucoup de mes amis y ont travaillé en tant que guides polaires, c'était à mon tour de rejoindre leur équipe en tant que "glaciologue en résidence" pour une seule croisière, mais pas pour n'importe quelle croisière, 33 jours le long de la péninsule, la mer d'Amundsen, la mer de Bellingshausen, et enfin la mer de Ross pour finir en Nouvelle-Zélande.

L'équipe que j'ai retrouvé était de loin la plus expérimentée de celles avec qui j'ai pu travailler. Nombreux de mes nouveaux collègues avaient déjà hiverné plusieurs fois en Antarctique, avaient atteint la Mer de Ross à de nombreuses reprises et étaient tous des vétérans polaires. J'allais beaucoup apprendre d'eux!

Après quelques jours en mer et le terrifiant passage de Drake derrière nous, nous atteignons enfin notre premier site, l'incroyable canal Lemaire et la station Vernadsky. La journée était belle, deux de nos invités se sont mariés sur le bateau en traversant le Lemaire, tout cela était tellement magique.

L'ILE PIERRE 1er

 

Cette croisière d'expédition nous fera parcourir un total de 6000 miles en 33 jours. La distance à parcourir est immense. Heureusement, après notre grande et belle escale sur la péninsule, notre prochaine destination est: l'Ile de Pierre 1er!

Plus de personnes sont allées dans l'espace que ne sont parvenues à marcher sur Pierre 1er. Cette île volcanique qui fait partie des revendications norvégiennes en Antarctique, se trouve à environ 450 km à l'ouest du continent et est presque entièrement recouverte de glace <3. Sa topographie justifie les peu de visiteurs, l'île est entourée de glace et de falaises verticales. Mais nous ferons de notre mieux, en emmenant notre navire aussi près de l'île que possible et qui sait, soit sortir nos zodiacs ou peut-être nos gros jouets: les trois hélicoptères que nous avons à bord?

L'île est apparue tard un après-midi. Nous luttions contre un vent violent venant de l'ouest, et nous sommes réfugiés à l'abri loin derrière l'île sous le vent. Après une bonne évaluation de la situation, nous avons décidé de tenter des vols en hélico pour tous nos clients tout au long de la nuit. Le coucher de soleil était magnifique, il y avait des baleines autour de nous, quelle soirée!

Puis commença la longue traversée. Mer de Bellingshausen, Mer d'Amundsen, .. plusieurs jours en mer pour atteindre notre objectif principal, l'incroyable mer de Ross. Les jours de mer sont loin d'être ennuyeux. Il y a toujours beaucoup à faire sur le navire, entre les conférences, la préparation de l'équipement et diverses formations, il y avait de quoi faire. Le beau temps nous suivait, et je n'ai pas eu le mal de mer une seule fois sur cette croisière qui est vraiment une première ! J'ai essayé de passer la plupart de mon temps sur les ponts extérieurs, en observant d'énormes icebergs tabulaires tout autour de nous et un ciel immense. Quel grand sentiment de savoir que nous sommes sur le seul navire à des centaines de kilomètres. Alors que des dizaines de bateaux sont coincés sur la péninsule, nous sommes les seules personnes sur Terre à assister à ce spectacle d'une nature immaculée.

L'approche de la mer de Ross n'a pas été facile. Une épaisse bande de banquise bloquait le chemin vers la mer de Ross. Nous espérions prendre un chemin ouvert dans la banquise, pour éviter un énorme détour qui aurait ajouté encore 4-5 jours de navigation. Permettez-moi de vous dire après 9 jours sur un navire sans sortir, nous espérions tous prendre le bon chemin.

Après plusieurs tentatives, nous nous sommes retrouvés bien bloqués. Tellement coincés que notre capitaine a décidé d'utiliser le gros drone (l'hélicoptère) pour avoir un aperçu de la situation et savoir où passer. Nous avions des images satellite, mais Internet était si mauvais que nous n'avions que des images datant de quelques jours. J'ai eu la chance de faire partie de ce vol et j'ai beaucoup appris sur comment cartographier en volant à toute allure. Et ça a marché! Quelques heures plus tard, nos ennuis étaient loin derrière nous.