Un mois autour du mont Everest
NÉPAL
Octobre 2010
LONDRES, ROYAUME-UNI
Mes 13 mois au Royaume-Uni venaient de se finir. Ma maîtrise en glaciologie de l'Université d'Aberystwyth en poche, et j'étais prête à rejoindre une dernière aventure avec mes collègues scientifiques. Pas n'importe quelle aventure! Celle dont je rêvais depuis toujours, nous partions en l'Himalaya !! Dans mon équipe, deux doctorants: Matt Westoby et Sam Doyle, et une de mes camarades de classe Pippa Cowley. L'objectif? Un mois de travail de terrain pour étudier les inondations créées par les vidanges brutales de lacs glaciaires. Ma toute première campagne de terrain en altitude.
KATHMANDU
Nous avons passé environ une semaine dans la ville animée de Katmandou pour finaliser nos préparatifs de terrain. Quelle mission c'était d'obtenir le peu d'équipement qui nous manquait! Nous nous sommes perdus à Thamel, avons acheté des fausses vestes en duvet The North Face, de faux sacs de couchage The North Face, etc. Heureusement, nous avons également eu beaucoup de temps pour explorer, armés de notre livre Lonely Planet, tombant sur des touristes ... tenant leur livre Lonely Planet.
Katmandou était une ville mystérieuse, bruyante, animée, diverse et frénétique. Chaque jour que nous y avons passé était très intense. Heureusement, il était déjà temps de se diriger vers les montagnes. Nous avons pris un petit avion de l'aéroport de Katmandou pour atteindre Lukla. Deux semaines avant notre voyage, un avion s'était écrasé sur la piste d'atterrissage en raison du manque de visibilité. Disons que je n'étais hyper motivée pour ce vol. Mais une fois en l'air, c'était absolument magique. Nous avons survolé des milliers de rizières, les collines grossissaient de plus en plus et l'avion gagnait progressivement de l'altitude. Finalement, nous pouvions la voir, la fameuse piste. Une piste inclinée qui monte vers la montagne. C'est le moment où tout le monde dans l'avion a commencé à prier! Notre pilote a atterri en toute sécurité sur la petite piste. A partir de ce moment là nous n'auvions plus qu'à compter sur nos deux pieds pour voyager.
L'ENDROIT AVEC BEAUCOUP DE CHEVRES ET DE MOUTONS
Lukla, 2860 m, "l'endroit avec beaucoup de chèvres et de moutons" et un paysage extraordinairement beau. Lukla est un endroit très fréquenté, assez touristique. Nous avons rencontré notre équipe de rêve de guides et de porteurs pour nous aider à faire de cette campagne sur le terrain une réalité. Dès que les présentations ont été faites, nous avons packé notre équipement et commencé le long voyage à pied vers notre premier site d'étude. Vous ne pouvez pas vous précipiter sur le terrain en haute altitude. L'altitude gagne toujours, peu importe votre forme physique. Vous devez respecter le processus d'acclimatation. Jamais plus de 300 m de dénivelé positif entre 2 nuits consécutive est la devise que nous avons suivie pour tout ce voyage, et qui a préparé notre corps au manque d'oxygène que nous devrons endurer plus tard.
Après un jour de marche nous sommes entrés dans le parc national de Sagarmatha, en suivant le chemin vers le camp de base de l'Everest, ou EBC, comme tout le monde l'appelle ici. C'était complètement surréaliste d'être là, dans la cour du mont Everest. Chaque nuit sur la piste, nous dormions dans des maisons de thé / lodges toutes très accueillants et avec la nourriture la plus délicieuse. Outre les paysages à couper le souffle que nous traversions, nous avons tous été surpris par la générosité et l'hospitalité du peuple népalais.
Nos guides et sherpas étaient absolument extraordinaires, nous avons la chance de les avoir!
Après trois ou quatre jours de traversée de beaux ponts, de marche dans des forêts denses, de haltes pour le thé et les momos, nous sommes finalement arrivés au légendaire village de Namche Bazaar. Ce village est le point de départ des expéditions vers l'Everest et de bien d'autres. Nichée dans un amphithéâtre perché à environ 3400 m d'altitude, Namche est une plaque tournante historique du commerce du fromage et du beurre de yack, et aujourd'hui le seul endroit où vous pouvez trouver une boulangerie et de la fondue au fromage. Nous avons passé 2 nuits à Namche pour nous acclimater et faire de courtes promenades dans le village.
PLUS LOIN ET PLUS HAUT
Après un petit pit stop à Namche, il était grand temps d'entrer dans le vif du sujet. Nous avons finalement quitté la foule du sentier EBC pour explorer une vallée moins connue à l'ouest de Namche Bazaar, près de Langmuche. Toute la vallée a été rasée sur des dizaines de kilomètres par une crue en 1985. Voilà notre premier site d'étude. La formation de ces lacs à travers l'Himalaya devenait (et est toujours) un danger croissant. Alors que les glaciers fondent de plus en plus vite, leur eau de fonte se retrouve piégée derrière de faibles barrages morainiques, qui finissent par se briser sous l'énorme pression du lac, créant des GLOFs. Notre objectif était de générer les modèles 3D de trois barrages morainiques différents qui ont produit des GLOFs en prenant des milliers de photos de ces sites sous différents angles, et de mesurer la taille et l'orientation des rochers laissés sur place.
Cet endroit semblait sortir tout droit d'un manuel de géographie. Culminant à 6943 m d'altitude, Tengi Ragi Tau dominait la vallée, montagne drapée de glaciers suspendus. Au pied de la montagne, un immense complexe morainique, le plus grand que j'ai jamais vu! La moraine mesurait facilement 100 à 150 m de haut, avec au milieu un petit lac glaciaire laiteux.
Nous avons installé notre camp près d'une petite maison d'éleveur de yacks. L'homme ne se souvenait pas de l'événement de 1985. À l'époque, il venait de rentrer d'une grande fête de l'autre côté de la montagne. Lorsqu'il est arrivé chez lui, il était tellement ivre qu'il n'a remarqué aucun changement même si la vallée entière a été complètement métamorphosée par la crue. Ce n'est que le lendemain matin, quand il s'est réveillé, qu'il a réalisé à quel point il avait eu de la chance, que sa petite cabane était l'un des rares bâtiments à avoir résisté à l'inondation.
Dig Tscho était notre première expérience de travail sur le terrain en altitude et ce n'était pas facile. C'est à ce moment-là que nous réalisons que notre équipement n'est pas aussi bon que nous l'espérions, que ma crème solaire est inutile et que ce ne sont pas des crêpes au chocolat sur les murs mais de la bouse de yak séchée que nous utilisons pour le feu. Quels jours extraordinaires nous avons passé. Les nuits étaient froides mais les journées étaient ensoleillées et chaudes. J'ai passé la majeure partie de mon temps avec Pippa à compter et mesurer des roches, et à monter et descendre ces immenses moraines, pendant que les garçons prenaient des photos de partout (pas encore de drones à l'époque!). Mission 1 accomplie, il est temps d'aller de l'autre côté du sentier EBC, au camp de base de ce qui doit être ma montagne préférée sur cette planète, mais d'abord, un monastère magnifique.
MONASTÈRE TENGBOCHE
Notre prochaine destination était Tengboche, un village à 3800 m d'altitude avec un magnifique monastère bouddhiste. C'est un endroit où les alpinistes de l'Everest viennent souvent se reposer avant de tenter le dernier voyage vers le sommet.
CAMP DE BASE DE L'AMA DABLAM
Il était agréable d'atteindre à nouveau des altitudes plus basses après quelques jours au-dessus de 4400 m. Tengboche a soulagé nos poumons et nos esprits. Un lieu hors de l'espace et du temps, entouré de forêts épaisses de rhododendrons géants et de genévriers. De là, nous avons marché vers l'Est, guidés par la silhouette sculpturale du "collier de la mère" alias Ama Dablam, culminant à 6812 m. Peu de montagnes peuvent captiver des alpinistes comme celle-ci, et cela nous a certainement hypnotisé pendant toute notre semaine de travail sur place.
Une grande inondation a éclaté sur le flanc ouest de la montagne en 1977 et c'est pourquoi nous voulions absolument cartographier cet endroit. C'était aussi la première fois que je séjournais dans un camp de base himalayen et l'expérience a été plutôt excitante. Nous étions en haute saison pour l'ascension d'Ama Dablam, et notre jeu préféré consistait à repérer les alpinistes sur le glacier suspendu juste en dessous de la crête sommitale. Mais rester dans un camp de base n'est une partie de plaisir. C'est aussi là que nous sommes tous tombés terriblement malades, en utilisant les «toilettes» obligatoires du camp. Prendre des antibiotiques à 4500 m n'est pas très amusant, nous nous sommes tous relayés pour passer une journée de repos au camp en essayant de boire et de manger. Après nous être sentis un peu mieux, nous avons également battu notre record d'altitude, atteignant un 5364 m, un record personnel pour nous tous!
CHUKUNG
Nous étions tous désireux de nous éloigner du camp de base d'Ama Dablam et ses toilettes dès que possible. Dès que nous avons terminé notre travail de terrain, nous sommes dirigés de l'autre côté de la montagne, vers le village de Chukung. La promenade était plus que spectaculaire. Nous nous sommes éloignés des sentiers battus pour notre plus grand plaisir. C'est là que le paysage a changé, nous offrant les points de vue les plus incroyables du mont Everest, Lhotse et Nupste, un rêve devenu réalité. Bien acclimatés et regagnant de l'énergie, nous avons pu profiter pleinement de ce voyage vers notre dernier camp.
Nous avons campé à environ 5200 m d'altitude. Les nuits devenaient de plus en plus froides et le «lavage» du matin devenait un véritable défi. Mais il n'y avait rien de plus magique que de voir la "Tête de la Terre qui touche le Ciel", Mt Everest, du matin au soir. Je me réveillais très tôt pour voir les premiers rayons de soleil réchauffer le sommet, et je me couchais tard juste pour voir cette lumière disparaître parmi les étoiles. Le mont Everest a exercé sur moi cette attraction irrépressible.
La zone d'étude de Chukung était pleine de pièges, un endroit qui donne naissance à de grosses inondation de temps en temps, la dernière étant en 2016. Avec des glaciers suspendus couvrant chaque centimètre de la face nord d'Ama Dablam et des systèmes de moraine de partout , cet endroit semblait n'avoir besoin que de la chutte du premier domino pour déclencher une catastrophe.
Cet endroit restera à jamais dans mon cœur, il suffit de le regarder:
Très vite, trop vite, le mois de décembre arrivait, entraînant de fortes chutes de neige et un temps bien froid. Les montagnes nous disaient qu'il était temps de rentrer à la maison. Il nous a fallu une bonne semaine pour revenir à Lukla, une semaine remplie de globules rouges et de niveaux d'oxygène plus élevés, et le soulagement d'une mission bien remplie.
Un grand merci à notre équipe formidable de guides et de sherpas, à Matt, Sam, Pippa pour le temps incroyable sur le terrain et des souvenirs pour toute une vie.